Un Français sur trois a déjà interrogé une intelligence artificielle sur sa santé. Derrière ce chiffre que dévoile notre enquête exclusive auprès de plus de 2 000 personnes se dessine une révolution discrète mais bien engagée : celle de l’intelligence artificielle dans le domaine médical. Ces outils, capables d’analyser, prédire et recommander à grande vitesse, suscitent autant d’espoirs que de réserves.
À l’heure où le diagnostic, la recherche ou l’administration hospitalière amorcent leur virage technologique, comment les Français accueillent-ils cette transformation de l’un des secteurs les plus sensibles de leur quotidien ? Ont-ils confiance dans les capacités de l’IA ? Quelle place sont-ils prêts à lui donner dans le parcours de soin ? Pensent-ils que l’intelligence artificielle supplantera un jour les compétences des médecins ? Ont-ils déjà eux-mêmes mis en pratique des conseils fournis par ChatGPT, Claude ou Google Gemini ?
Entre curiosité et prudence, usages émergents et méfiances profondes, l’étude dont nous dévoilons les résultats brosse le portrait d’une opinion partagée. Fractures générationnelles, différences d’appréhension entre hommes et femmes, exigence de transparence, les perceptions varient, parfois fortement, mais convergent vers une même conviction largement partagée : pour la majorité, l’IA en santé ne doit être qu’un outil au service du médecin, jamais un substitut à la relation humaine au cœur du soin.
Plus de 6 personnes sur 10 (64%) déclarent avoir déjà entendu parler de l’intelligence artificielle appliquée à la santé. Dans le détail, 10 % affirment en avoir une connaissance approfondie, tandis que 54 % témoignent d’une perception plus vague. À l’inverse, 36 % n’en ont jamais entendu parler.
En se penchant dans le détail des résultats, une division nette apparaît selon le genre des répondants : 70 % des hommes disent avoir entendu parler de l’IA en santé, contre 58 % des femmes. Cet écart de 12 points suggère une inégalité persistante dans l’accès à l’information scientifique et technologique, voire un moindre intérêt ou une moindre exposition aux sujets liés à l’innovation médicale chez les femmes.
Lorsqu’on les interroge sur la confiance qu’ils accordent aux réponses données par une IA générative comme ChatGPT, Claude ou Google Gemini à des questions de santé, les Français se montrent partagés : 43 % accordent une certaine crédibilité à ces outils quand 45 % se montrent méfiants. À ce titre, ceux qui ont aujourd’hui entièrement confiance sont quatre fois moins nombreux que ceux qui, au contraire, se disent totalement méfiants (4% contre 16%).
L’analyse par classes d’âges révèle une tendance très marquée : les maîtrisant probablement mieux, plus de la moitié (56 %) des 18-24 ans disent leur confiance dans ces technologies, contre seulement un tiers (33 %) des 65 ans et plus. Les hommes sont également plus convaincus que les femmes (51 % contre 36 %), chiffres qui confirment les écarts déjà observés dans le niveau d’information.
Pour l’heure, l’utilisation personnelle des IA génératives en matière de santé reste minoritaire : 34 % des répondants déclarent y avoir déjà eu recours, dont 14 % à plusieurs reprises. Mais 38 % des non-utilisateurs se disent prêts à le faire à l’avenir, quand seuls 28 % rejettent aujourd’hui entièrement cette perspective. Preuve qu’en dépit d’une émergence somme toute récente, ces outils ont déjà gagné un terrain conséquent et continueront très vraisemblablement à le faire dans un futur proche.
C’est d’autant plus probable que les jeunes générations s’en sont emparés de manière massive : 68 % des 18-24 ans déclarent avoir utilisé une IA générative pour poser une question de santé, contre seulement 10 % des plus de 65 ans.
Parmi celles et ceux qui ont déjà posé des questions à une intelligence artificielle pour des sujets liés à la santé, six sur dix (60%) affirment avoir suivi les recommandations reçues. La plupart (43 %) indiquent l’avoir fait après validation par un professionnel, mais 17 % déclarent les avoir appliquées sans consulter de médecin. Ces chiffres illustrent une double réalité : d’un côté, l’IA devient une source réelle d’informations et de conseils en matière de santé, mais de l’autre, la validation du praticien reste un passage obligé pour la majorité des utilisateurs. Par ailleurs, 34% des personnes en recherche de réponses n’ont pas donné suite aux conseils qui leur ont été prodigués par l’intelligence artificielle.
Interrogés sur les apports les plus utiles de l’intelligence artificielle en santé, les Français placent très nettement en tête deux domaines : le diagnostic des maladies (48 %) et la recherche de nouveaux traitements (47 %). Des résultats qui illustrent une attente forte vis-à-vis des capacités de l’IA à améliorer la précision et l’efficacité des soins. Viennent ensuite des usages plus fonctionnels, mais jugés également utiles, comme l’automatisation administrative (37 %) ou la surveillance des épidémies (31 %). Seuls 13 % des répondants considèrent que l’intelligence artificielle n’apporte aucune valeur ajoutée au secteur de la santé, les femmes (16%) et les plus de 65 ans (17%) étant les plus nombreux dans ce cas.
L’idée que leur médecin puisse s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour affiner un diagnostic ou leur proposer un traitement clive elle aussi les personnes interrogées. 49 % d’entre elles expriment un sentiment de confiance (dont 6 % seulement se montrent très rassurées), tandis que 34 % se disent inquiètes et 17 % ne se prononcent pas.
Les femmes sont nettement plus inquiètes que les hommes (41 % contre 27 %), un écart qui renforce l’idée d’un rapport plus distant ou méfiant de leur part envers les technologies automatisées dans le champ médical.
L’intégration de l’IA dans le parcours de soins ne pourra se faire sans transparence sur son utilisation. C’est ce que confirment la quasi-unanimité des sondés : 80 % estiment important d’être informés en amont quand une IA est impliquée dans leur prise en charge. Parmi eux, 41 % souhaitent même savoir précisément quand et comment elle intervient. Une attente partagée dans des proportions similaires quels que soient les générations et le genre. L’encadrement éthique et la clarté des pratiques seront donc déterminants pour favoriser l’acceptabilité de l’intelligence artificielle dans les années à venir en matière de santé.
Si une faible part (12%) des Français estime que l’intelligence artificielle deviendra plus fiable que les médecins, plus de la moitié (53 %) reconnaissent qu’elle pourrait dépasser l’humain, mais uniquement dans certains domaines techniques. Là encore, l’idée d’une assistance tirant profit des capacités de l’IA l’emporte sur celle d’un remplacement. Toutefois, 28 % des personnes interrogées sont en revanche convaincues que l’expertise humaine restera toujours supérieure quand 10 % refusent quant à eux l’hypothèse d’une suprématie de l’IA, au motif qu’elle présente trop de risques d’erreurs.
Invités à identifier leur principale crainte liée à l’usage de l’intelligence artificielle en santé, les Français citent en tête la déshumanisation du lien avec le médecin (34 %), suivie par le risque d’erreurs (28 %) et le manque de contrôle humain (24 %). Les préoccupations liées à la confidentialité arrivent loin derrière (7 %), tout comme l’absence d’inquiétude (7 % également). Cette hiérarchie dans les réponses confirme que le lien humain reste primordial, même lorsque les bénéfices technologiques sont reconnus.
Pour 53 % des répondants, aucune erreur de diagnostic n’est acceptable, qu’elle vienne d’un médecin ou d’une IA. Les femmes (59%) se montrent plus intransigeantes que les hommes (47%). Près d’une personne sur cinq (18%) estime au contraire qu’une telle erreur est acceptable quelle qu’en soit l’origine.
Par ailleurs, 20 % pardonnent plus facilement une erreur humaine, contre 9 % qui toléreraient mieux une erreur de l’IA. Les jeunes (18-24 ans) sont plus enclins que la moyenne à accepter une erreur de diagnostic de l’intelligence artificielle (17 %, contre 9 %).
30 % des Français se disent prêts à faire confiance à une IA pour gérer seule une opération chirurgicale, dont 8 % sans hésitation et 22% si l’intervention est peu complexe. En face, 40 % souhaitent la présence d’un médecin et 22 % s’y opposent formellement.
Les hommes sont deux fois plus nombreux que les femmes à accepter cette perspective (40 % contre 21 %), et les jeunes adultes s’y montrent légèrement plus ouverts que leurs aînés (35 % chez les 18-24 ans et 26 % chez les plus de 65 ans). Mais dans l’ensemble, la chirurgie sans présence humaine reste largement rejetée.
Enquête réalisée par FLASHS pour Galeon du 11 au 14 mars 2025 par questionnaire autoadministré en ligne auprès d’un panel de 2 003 Français et Françaises âgés de 18 ans et plus, représentatif de la population française.